Le tribunal administratif de Nantes examinera le 18 juin 2015 les cinq recours engagés par les associations du mouvement de FNE et les autres opposants au projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes contre les autorisations environnementales du projet. L’occasion de rappeler les enjeux des procédures engagées.
Photo : B. Hogommat – Bocage et zone humide à Notre-Dame-des-Landes
L’implantation d’un aéroport à Notre-Dame-des-Landes rend nécessaire l’obtention de plusieurs autorisations administratives du fait de la protection que le droit confère à ce milieu d’une grande richesse naturelle. En effet, le projet suppose la destruction de plus de 1200 hectares de zones humides et de plus de 100 espèces protégées, destruction par principe interdite par la loi. Ce sont ces autorisations qui ont été données par le préfet de Loire-Atlantique à la société AGO (construction de l’aéroport) et la DREAL (pour la desserte routière), soit quatre autorisations que les associations ont contesté devant le juge administratif. Une cinquième autorisation est relative à la déclaration d’utilité publique de la réorganisation des voiries routières autour du projet.
Les zones humides sont protégées par la loi sur l’eau et le SDAGE Loire-Bretagne, lesquels ne permettent d’y porter atteinte qu’en cas d’absence de solution alternative et de mise en oeuvre de mesures compensatoires permettant la restauration des fonctionnalités des zones humides détruites. En l’occurrence, le site de Notre-Dame-des-Landes a été sélectionné dès les années 1960 et n’a jamais donné lieu à une comparaison avec d’autres sites d’implantation potentielle au regard du critère de la présence de zones humides. Il est dans ce cadre impossible d’affirmer qu’il n’existait pas de solution alternative. Les porteurs de projet ont par ailleurs conçu une infrastructure très consommatrice d’espace, refusant par exemple d’implanter des parkings en silos et ne réduisant donc pas au mieux l’impact sur les zones humides. Enfin, la méthode de compensation expérimentale prévue a été désavouée par un collège d’experts scientifiques indépendants nommés par l’Etat… qui n’en a pas tiré les conclusions qui s’imposaient.
Du fait de la richesse de ses habitats naturels, le site de Notre-Dame-des-Landes abrite plusieurs milliers de spécimens de plus d’une centaine d’espèces protégées, en plus des espèces communes qu’on y trouve. C’est seulement à titre dérogatoire qu’il est permis de porter atteinte à une telle biodiversité, pour des raisons impératives d’intérêt public majeur, en l’absence de solution alternative et avec l’assurance de maintenir les espèces dans un état de conservation favorable. Outre la critique relative à l’absence de démonstration qu’il n’existe pas de solution alternative, nos associations constatent que les mesures compensatoires sont largement insuffisantes pour maintenir cet état de conservation : pour plus de 100 espèces touchées, seules 3 font l’objet de mesures de déplacement avant impact, pour une faible quantité de spécimens. Surtout, les inventaires réalisés sur place par le collectif des Naturalistes en Lutte ont révélé de lourdes lacunes dans la caractérisation de l’état initial du site, largement sous-estimé par les porteurs de projet. Le Conseil National de Protection de la Nature a ainsi donné un avis défavorable à l’octroi de ces autorisations. Lui non plus n’a pas été écouté.
Enfin, nos associations ont demandé l’annulation de la déclaration d’utilité publique du programme viaire : il s’agit de la réorganisation des voiries locales, impactées par l’implantation de l’aéroport. Cet aménagement aura lui aussi des impacts environnementaux mais aucune étude de son impact conjugué avec l’aéroport et sa desserte routière n’a été menée, caractérisant une violation de la directive de l’Union européenne sur l’évaluation environnementale des plans et programmes. C’est d’ailleurs l’un des motifs qui a poussé la commission européenne à mettre en demeure la France de régulariser sa situation en lui adressant une mise en demeure. Faute d’évaluation globale préalable, cette autorisation est elle-aussi illégale.
Les jugements du tribunal administratifs de Nantes, ainsi que les arrêts qui seront rendus par la cour administrative de Nantes en cas d’appel (probable) de la part d’une ou de l’autre des parties, conditionneront la poursuite du non du projet ainsi la sauvegarde du bocage de Notre-Dame-des-Landes. Au-delà de ce cas particulier, il s’agira également de décisions symboliques : peut-on accepter en 2015 la réalisation de projets imaginés il y a plus de cinquante ans, époque où le droit de l’environnement n’existait pas, en détruisant des écosystèmes en voie de disparition que les politiques publiques actuelles visent au contraire à protéger ?