La disparition survenue le 4 mars 2021 d’Anne-Marie Grimaud, militante inlassable de la protection de la nature et de l’environnement, laisse un grand vide au sein des associations du mouvement France Nature Environnement, au sein duquel elle a œuvré pendant un demi-siècle.
Originaire du Sud-Ouest, Anne-Marie Grimaud grandit à Blaye (Gironde). Au terme de ses études secondaires, son enseignante en sciences naturelles l’encourage à poursuivre à l’Université sa formation en biologie-géologie, ce qui la conduira vers le professorat. Nommée au lycée public des Sables d’Olonne, elle y réalisera toute sa carrière, marquant durablement des générations d’élèves par son engagement auprès d’eux et par la passion de la connaissance qui sous-tend chacun de ses cours.
En 1971, l’introduction dans les programmes de sciences naturelles du lycée de premiers éléments d’écologie lui offre l’occasion de déployer ses talents et de multiplier les initiatives. Puisqu’il s’agit notamment d’impliquer les élèves dans l’étude méthodique de milieux de vie proches, leur professeure se met en quête de sites propices, qui ne manquent pas à proximité des Sables d’Olonne. La même année et parallèlement, se crée localement un Comité pour la Protection de la Nature au Pays des Olonnes. Anne-Marie Grimaud est bien sûr du petit noyau des fondateurs, entamant ici sa longue carrière de militante des associations de défense de l’environnement. Le premier combat du jeune comité se porte sur l’extraction de sables et graviers sur la côte de l’Aubraie, causant l’affaissement de la dune sur plusieurs centaines de mètres et le recul d’une cinquantaine de mètres du trait de côte. Anne-Marie fait travailler un groupe d’élèves sur le sujet dans la perspective d’un concours organisé par la Fédération mondiale des villes jumelées, dont le thème porte sur l’analyse d’un cas d’agression du cadre naturel en rapport avec l’urbanisation. Le dossier réalisé est doublement récompensé, au niveau national et à l’international. Il reste à convaincre les autorités locales d’en finir avec le déni qui prévaut : en 1973, l’exploitation des sables et graviers côtiers est interdite non seulement à l’Aubraie, mais sur tout le littoral vendéen !
Les bases d’une méthode sont ainsi posées : documenter, sensibiliser, informer, fédérer seront les leviers inlassablement mis en mouvement par Anne-Marie. Sa rencontre avec Michel Brosselin sera déterminante pour donner une nouvelle dimension à l’action. Ornithologue et militant d’envergure, celui-ci avait fondé en 1968 l’Association pour l’Étude et la Conservation des Ressources naturelles en Vendée, avec laquelle il avait travaillé à la création de la réserve naturelle de Saint-Denis-du-Payré. En 1974, assuré de la collaboration très active d’Anne-Marie Grimaud qui plaide pour un renforcement de la coordination à l’échelon départemental, il accepte une réorganisation en accueillant les associations et comités existants. L’ADEV (Association de Défense de l’Environnement en Vendée) est née.
Les sujets de mobilisation ne manquent pas, dans cette époque d’urbanisation touristique du littoral aux dépens des dunes et des forêts dunaires. Un développement sans frein, si ce n’est celui des associations ! Le renfort de l’ADEV, adossée à la Fédération française des sociétés de protection de la nature (devenue depuis France Nature Environnement), est précieux pour stopper la frénésie des immeubles « pieds dans l’eau » !
Férue de botanique, naturaliste experte de la faune et de la flore des écosystèmes littoraux, Anne-Marie Grimaud maintiendra sans discontinuer son intérêt pour les milieux dunaires, soulignant sans relâche le rôle clé de la végétation et de sa dynamique dans leur évolution, multipliant les initiatives pour sensibiliser les collectivités et le grand public aux effets négatifs des excès de piétinement et de tous les usages contribuant à leur dégradation. Ce sera notamment au moyen d’expositions présentées en salle, puis, à partir de 2008, d’une exposition mobile, support d’animations de plage sur le thème « Pour la laisse de mer ».
L’exploitation des granulats marins, les dragages portuaires, la protection des milieux naturels et la mise en place de sites Natura 2000, la gestion des eaux, les questions d’urbanisme et de la prévention des risques côtiers, en lien avec la loi Littoral, sont autant de sujets auxquels elle aura consacré son énergie, en organisant notamment des ateliers de formation à destination des militants associatifs.
L’engagement en 2009, par le gouvernement de l’époque, du « Grenelle de la Mer » lui donne l’occasion de conforter ses liens avec France Nature Environnement, en s’impliquant dans son réseau thématique national « Océans, mers et littoraux ». Elle suit notamment les travaux du Conseil maritime de façade Nord-Atlantique-Manche Ouest, dans la perspective de l’élaboration du document stratégique découlant de la directive-cadre « Stratégie pour le Milieu Marin » de l’Union Européenne. S’impliquant également dans la création du Parc naturel marin de l’estuaire de la Gironde et de la mer des pertuis, elle intègre son conseil de gestion en 2015.
Dans toutes les instances où elle siège, ses interventions, minutieusement préparées, suscitent une écoute attentive. Face à des contradicteurs pas toujours de bonne foi, elle recourt à l’humour, toujours exprimé avec finesse, souvent aussi avec mordant, et fait mouche.
Dans sa longue vie militante, Anne-Marie Grimaud n’a jamais cédé devant les difficultés, n’a jamais transigé avec les valeurs humanistes qui l’animaient. La rupture avec l’ADEV, consommée en 2006 en raison de dérives éthiques qu’elle ne pouvait pas supporter, l’amena à créer une Coordination des associations environnementales du littoral vendéen (Coorlit 85), qui ne tarda pas à trouver toute sa légitimité. Elle contribua encore très activement à la constitution d’une nouvelle structure départementale : ce fut Vendée Nature Environnement, en 2010, devenue France Nature Environnement Vendée en 2019 en absorbant Coorlit 85.
Consciente de la nécessité de transmettre la mémoire vive d’un demi-siècle d’expérience et d’actions au service de l’intérêt général, Anne-Marie Grimaud s’était rapprochée de l’Association pour l’histoire de la protection de la nature et de l’environnement (AHPNE) et elle s’attachait à rassembler la matière d’une publication à venir. La maladie, malheureusement, ne lui aura pas permis de voir aboutir ce dernier projet.
Ses amis rendent aujourd’hui hommage à une grande dame de la protection de la nature et de l’environnement. Ils associent à son souvenir celui de son mari François Grimaud (1928-2019), qui par sa générosité et sa patience leur fut tout au long de ce parcours un appui non moins précieux.