La thématique de gestion des déchets fait l’objet de nombreux débats, comme l’illustre l’enquête publique en cours sur le projet de plan régional de prévention et de gestion des déchets (PRPGD) des Pays de la Loire. Ceci s’explique non seulement par son impact environnemental évident mais également par son importance sociétale : « Dis-moi ce que tu jettes, je te dirai qui tu es ! ». Cet intérêt pour le sujet s’est illustré en août 2015 par la Loi relative à la Transition Énergétique pour la Croissance Verte (LTECV) qui encourage la lutte contre les gaspillages, la réduction des déchets à la source, leur tri et leur valorisation. Les entreprises sont pleinement concernées par cette démarche.
Dans le prolongement de la loi de Transition Énergétique pour la croissance verte, le décret n° 2016-288 du 10 mars 2016 a été adopté obligeant les producteurs et détenteurs (entreprises, commerces, administrations, écoles…) à trier à la source leurs déchets en 5 flux différents :
L’article D. 543-281 issu du décret prévoit en effet que « Les producteurs ou détenteurs de déchets de papier, de métal, de plastique, de verre et de bois trient à la source ces déchets par rapport aux autres déchets« .
Sont concernées par le décret:
- Les entreprises ne relevant pas des services des collectivités territoriales pour la gestion de leurs déchets mais passant par des prestataires privés ;
- Les entreprises ayant recours aux services des collectivités mais qui produisent ou détiennent plus de 1 100 litres de déchets par semaine (article D.543-280 code de l’environnement) ;
- Les entreprises regroupées sur un même site, desservies par le même prestataire de collecte de déchet et produisant à elles toutes plus de 1 100 L par semaine de ces flux.
Quelques subtilités d’application
Deux précisions sont à apporter quant au champ d’application du décret.
La première concerne le tri à la source des déchets de papiers de bureaux, obligation qui s’applique y compris à certaines entreprises qui ne sont pas soumises au tri des 5 flux. Le décret vise principalement les gros producteurs de ce flux de déchets papier qui représente 80% du poids de l’ensemble des déchets produits par les bureaux. Sont dans l’obligation de trier leur flux de papier-carton, outre celles soumises aux 5 flux, toutes entreprises :
- de plus de 20 emplois administratifs, qu’elles produisent ou non 1 100L de déchets de ce type par semaine ;
- implantées dans un immeuble dont l’effectif cumulé atteint plus de 20 salariés et passant par le même prestataire de gestion des déchets de papiers de bureaux.
Le deuxième point soulevé concerne l’ambiguïté entre la filière REP et le décret « 5 flux ». La filière REP ou « Responsabilité Élargie des Producteurs » repose sur le principe « pollueur-payeur ». Il s’agit ici d’un transfert de responsabilité du service public en charge du ramassage des ordures à l’entreprise elle-même. Toutes entreprises fabricant, distribuant, important ou mettant sur le marché certaines catégories de produits deviennent responsables de la gestion de leurs déchets (emballages, piles et accumulateurs portables, ameublement… liste complète sur le site de l’ADEME). Elles font donc appel à des prestataires privés qui se chargeront de leurs déchets. Les entreprises concernées par cette réglementation spécifique sont-elles également soumises aux obligations du décret « 5 flux » ? La réponse est oui !
Pour rappel, le décret concerne toutes les entreprises qu’elles relèvent de prestataires privés ou publics de collecte (pour ces dernières, sous réserve des seuils de 20 employés pour les déchets de bureau et de 1 100 L de déchets par semaine pour les autres déchets). Il concerne également les déchets récupérés par les entreprises dans le cadre de leurs activités. Sont concernés tant les déchets jetés par leurs salariés que ceux jetés par leurs clients au sein de leurs installations (ex: boîtes de burger, mouchoirs usagés, tickets de caisse…). Les produits emballés jetés sur place ne deviennent pas des déchets assimilés ménagers exemptés du tri 5 flux. Pour plus de précision à ce sujet nous vous invitons à consulter la plaquette de l’Agence De l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie (ADEME) qui présente de façon synthétique cette obligation ainsi qu’une proposition de plan d’actions.
Un tel tri à la source permet une valorisation de ces déchets devenus de la « matière première secondaire ». Ce processus rentre entièrement dans une démarche d’économie circulaire appréciée des pouvoirs publics avec l’adoption en mars 2017 d’un « Paquet Économie circulaire » au niveau européen, mais également plus récemment, par la mise en application dans chaque région française d’un Plan Régional d’Actions en faveur de l’Économie Circulaire (PRAEC) 2018-2025. Le décret « 5 flux » permet donc par ce tri à la source de créer de l’emploi dans la filière recyclage, d’émettre moins de gaz à effet de serre et également de préserver les ressources planétaires en prélevant beaucoup moins de matière première.
La mauvaise application de la réglementation par les fast-foods
Depuis mars 2016, les fast-foods sont également assujettis comme toutes entreprises au décret « 5 flux ». De même, ils doivent trier à la source leurs biodéchets comme l’indique l’article L.541-21-1 du code de l’environnement. Cette démarche de trier à la source (article R.541-49-1 issu du décret n°2011-828 du 11 juillet 2011) applicable depuis déjà plusieurs années a pour but d’en finir avec la poubelle unique qui reçoit tous les déchets et ainsi faciliter leur traitement.
Ne pas procéder au tri des cinq flux (papier et carton, métal, plastique, verre, bois) peut aboutir à des sanctions administratives (article L.541-3) parmi lesquelles figure la suspension du fonctionnement de l’établissement. Quant au non-respect du tri des déchets organiques (les restes de nourriture), l’établissement concerné encourt jusqu’à deux ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende (article L.541-46).
Une étude de 2017 menée par Zero Waste France a démontré que 96% des fast-food n’appliquaient pas ce décret. Fin janvier 2019, une Pictavienne (Poitiers), a lancé une pétition dans laquelle elle demande à l’enseigne de fast-food la plus connue de passer au « zéro déchet ». Succès important : cette pétition a recueilli à l’heure actuelle plus de 130 000 signatures. Récemment, le Ministère de l’Environnement a, via les Directions Régionales de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement (DREAL), lancé une action nationale de contrôle des chaînes de restauration rapide sur les conditions de tri de leurs déchets. Ces inspections ont permis de relever des manquements évidement d’application de la réglementation. En Pays de la Loire, le contrôle de trois restaurants a conduit à la transmission de deux procès-verbaux au parquet de Nantes. FNE Pays de la Loire a emprunté la même voie en portant plainte le 22 mars dernier à l’encontre des deux établissements concernés.
La secrétaire d’État à la Transition écologique et solidaire, Brune Poirson a convoqué en janvier dernier tous les patrons des enseignes de restauration rapide afin de leur rappeler leurs obligations réglementaires en matière de tri de leurs déchets. Ils devaient également livrer fin mars 2019 des dossiers dits de conformité indiquant leurs chiffres et bonnes pratiques (article D.543-284 et article R.543-73 du code de l’environnement). Malheureusement le constat n’y est pas : aucune des enseignes n’est en totale conformité avec la réglementation. De plus seulement 50% des dossiers de plan de mise en conformité sont arrivés au ministère. D’ici fin avril 2019, le cabinet de la secrétaire d’État doit examiner les dossiers reçus pour validation et espère recevoir d’ici là les dossiers retardataires. FNE Pays de la Loire sera vigilante à la poursuite de ces procédures de mise en conformité et n’hésitera à porter plainte de nouveau à l’encontre d’établissements récalcitrants.
Par ailleurs, les emballages des fast-foods (gobelets, boîtes de burger, cornets de frites…) ne sont pas valorisables ou du moins leur valorisation est compliquée. Comment cela s’explique-t-il alors qu’ils sont fabriqués en matériaux entièrement recyclables ? Effectivement les divers récipients et contenant des restaurations rapides sont bien fabriqués en carton et plastique qui sont des matériaux triés et valorisés. Pourtant cela pose deux problèmes majeurs.
Le premier concerne les contenants, entre autre les gobelets à soda. Ils sont fabriqués de couches de plastique et carton agglomérées entre elles. Cette agglomération rend leur traitement plus compliqué car il faut désolidariser ces couches l’une de l’autre.
Le second problème est que les cornets de frites ou autre boîtes de burger contiennent des excédents de biodéchets qui ne permettent pas leur traitement. C’est pourquoi sur les plateaux aucun des emballages n’est traitable. Ces emballages sont tous envoyés à l’incinérateur. Aujourd’hui beaucoup de matériaux sont refusés du tri par des entreprises de recyclage en raison d’une difficulté à les recycler. Cette matière est considérée comme « impropre à la production ». C’est le cas du papier et carton glacé, vernissé et chromé ou des emballages produits à l’aide de vernis synthétique que nous retrouvons dans la plupart des fast-foods.
FNE Pays de la Loire estime que cette situation est préoccupante et demande à ce que ces dysfonctionnements soient traités au plus vite aux vu des records de fréquentation de ces types d’établissement et de leur présence toujours plus grande sur le sol français.
Sources :
https://www.legifrance.gouv.fr
http://www.pays-de-la-loire.developpement-durable.gouv.fr
https://www.ecofolio.fr/sites/default/files/asset/document/ecofolio_-_tri_a_la_source_-_papiers_de_bureau.pdf
http://www.economiematin.fr/news-tri–dechets-plusieurs-grandes-enseignes-fast-food-jouent-pas-jeu
https://actu.fr/societe/des-fast-food-retard-sur-tri-dechets-pointes-doigt_22799159.html
https://www.recygo.fr/decret-5-flux