Sur demande des associations du mouvement de France Nature Environnement, le tribunal administratif de Nantes vient d’exiger de la préfecture de la Mayennequ’elle complète l’arrêté du 7 juillet 2017 par lequel elle définissait les « points d’eau » à proximité desquels l’application de pesticides est interdite. Ce jugement rejette la définition trop limitée retenue par l’arrêté, ne permettant pas la bonne protection de la ressource en eau. C’est surtout une sanction de l’incapacité du représentant local de l’État à résister au lobby de l’agro-industrie chimique.
Des cours d’eau de tête de bassin versant moins bien protégés
Pour faire face à la contamination généralisée de milieux aquatiques, un arrêté ministériel imposait depuis 2006 des zones de non traitement (ZNT) : des aires en bordure des points d’eau, sur lesquelles il est interdit d’épandre des pesticides. Pour être efficace, cette mesure doit concerner l’ensemble des points d’eau, des plus grands (rivières, lacs, étangs…) aux plus petits (rus de tête de bassin versant, fossés…). Les milieux sont en effet interconnectés.
Jusqu’en 2017, cette protection concernait l’ensemble des éléments du réseau hydrographique de la carte de l’IGN, une carte imparfaite mais faisant figurer de nombreux points d’eau et notamment les cours d’eau de tête de bassin versant. Seulement, voilà :depuis la modification de cet arrêté le 4 mai 2017 et sous la forte pression d’une partie de la profession agricole, réticente à ces ZNT, les préfets de département des Pays de la Loire ont exclu la carte de l’IGN pour se référer à une carte des cours d’eau établie par les services de l’État.
« Résultat : un linéaire important de cours d’eau précédemment protégé ne bénéficie plus d’aucune protection » explique Jean-Marc Lalloz, président de la Fédération pour l’Environnement en Mayenne (FE53). « Dans notre département, et malgré un travail de cartographie que nous estimons intéressant, ceci a abouti à exclure de très nombreux petits cours d’eau de tête de bassin versant ».
Un jugement donnant raison aux associations
Non entendues au cours de la concertation, FNE Pays de la Loire et FE53 avaient demandé à la préfecture de bien vouloir compléter son arrêté en prenant en compte la totalité du réseau hydrographique de la Mayenne. La préfecture ayant refusé de faire droit à cette demande, nos associations ont saisi le tribunal administratif de Nantes. Par un jugement du 5 novembre 2024, le tribunal a donné raison aux associations en enjoignant à la préfète de compléter son arrêté dans un délai de 3 mois afin « d’intégrer à la définition des points d’eau l’ensemble des cours d’eau définis à l’article L. 215-7-1 du code de l’environnement et l’ensemble des éléments hydrographiques représentés par des traits bleu pleins et pointillés sur la carte au 25/1 000e de l’IGN ». Le tribunal retient ainsi la violation de l’arrêté ministériel et juge non réglementaire la cartographie des services de l’État. Il estime par ailleurs que cet arrêté méconnaît le principe de non-régression de la réglementation en matière environnementale.
La solution qui se dégage de ce jugement avait également été retenue précédemment pour les quatre autres départements de la région.
Pour un réel volontarisme de l’Etat sur le dossier des pesticides
La pollution des eaux par les pesticides dans notre région est généralisée, entraînant des surcoûts de traitement par les collectivités et donc pour tous les contribuables. Surtout, elle génère des risques importants pour la santé humaine. Dans ce contexte, les arrêtés adoptés en Mayenne comme dans le reste de la région étaient à contre-courant des enjeux environnementaux et des attentes de la population.
« À l’instar de l’affaire des « chartes de bon voisinage », qui a permis aux exploitants agricoles de diminuer les distances d’application à respecter vis-à-vis des habitations avec la bénédiction des préfets, ce dossier illustre la place occupée par le lobby de l’agriculture intensive auprès des représentants locaux de l’Etat » s’insurge Jean-Christophe Gavallet, président de FNE Pays de la Loire. « Nous serons très attentifs à la bonne mise en œuvre de ce jugement et souhaitons que les prochaines décisions adoptées sur la thématique des pesticides témoignent enfin du volontarisme de l’Etat sur cet enjeu de santé publique ».